mercredi 30 avril 2008

Pour le droit au blasphème

Monsieur Le Pen a tort, la chambre à Gaz n'est pas un détail.

Monsieur Le Pen a profondément tort, la chambre à gaz est tout sauf un point de détail, c'est même aujourd'hui, plus qu'hier encore, la religion, le dogme autour duquel tourne toute l'époque contemporaine. Dans l'ordre du sacrifice fondateur, la chambre à gaz a remplacé la croix du christ.

Pourtant, ou justement pour ça, au nom du droit à la libre pensée face à ceux qui croient et veulent nous obliger à croire, je réclame le droit, pour Jean-Marie Le Pen, de considérer la chambre à gaz comme « un point de détail de la seconde guerre mondiale », comme tant d'autres se donnent le droit de chier sur la croix.

Que ce soit celle d'hier ou d'aujourd'hui, le citoyen libre se doit de lutter contre toutes les inquisitions et leurs cortèges sanglants de bûchers et d'abjurations. Nous, européens, n'avons pas mis trois siècles à nous émanciper du pouvoir temporel du Pape pour en arriver là !

Aujourd'hui, dans ce climat de judéomanie délirante - une judéomanie délirante et suspecte qui tient plus de l'esprit de la Collaboration que du combat pour le bien et l'amour des hommes - plus les souffrances de la guerre s'éloignent, plus c'est la seconde guerre mondiale toute entière qui devient un détail de la chambre à gaz !

50 millions de morts, russes, communistes, polonais, anglais, américains, civils, résistants, japonais et mêmes allemands et, parmi eux, 500 mille morts Français, ce n'est presque plus rien face à la chambre à gaz, ou aux 28 mille enfants juifs que certains voudraient faire assumer pour l'éternité aux écoliers de France innocents.

Dans ma famille de Résistants savoyards où la guerre nous a coûté six morts et la ruine - comme elle coûta son père au petit Jean-Marie -, nous avons nous aussi sauvé des vies ; seulement c'était des Espagnols. Il faut dire qu'en ce temps là si on sauvait des juifs, on ne le faisait pas pour sauver le peuple élu mais pour sauver des êtres humains tout court, menacés par la méchanceté et la violence des hommes. À l'époque, on ignorait que 60 ans plus tard ne seraient plus comptabilisés que les sauvés marqués d'une étoile, et que sur le marché des Justes, ça ne vaudrait plus rien les Espagnols !

De vous à moi, combien cette relecture de la seconde guerre mondiale, cette réécriture théo-différentialiste, à la limite de l'inégalité raciale, va-t-elle encore durer ? Combien de temps encore la Mémoire va-t-elle empêcher l'Histoire ? Au moment du Darfour, de la Palestine, de l'Irak, du Tibet... n'y a-t-il pas d'autres combats à mener pour le salut des hommes ? De massacres, de génocides, d'ethnocides à condamner, à empêcher ? Au moment où la montée en puissance de l'Inde et de la Chine est sur le point de remettre en cause le leadership de notre confortable et dominateur monde post-méditerranéen, les querelles intra-monothéistes sont-elle vraiment notre priorité ?

Qui aura le courage de dire, dans cet inquiétant climat de lynchage pour une petite phrase réitérée dans un obscur follicule breton, que le problème ce n'est pas le détail de Jean-Marie Le Pen. Une petite phrase plus taquine que méchante qui lui a déjà coûté 120 briques (et à ce prix là, on peut comprendre que le peu dispendieux Le Pen ait envie de l'utiliser deux fois). Une petite phrase inattaquable - dois-je le rappeler ? - aux Etats unis d'Amérique, qui ne sont pourtant pas le pays de l'antisémitisme, parce que là-bas le 1er amendement garantit à tous, et pas seulement à Finkielkraut et ses sorties sur les « antillais qui filent un mauvais coton » ou « l'équipe de France black-black-black qui serait la risée de l'Europe », la liberté de pensée et d'opinion.

Qui aura le courage, à l'heure où même ses supposés proches : identitaires jaloux et autres apparatchiks en embuscade se désolidarisent du vieux chef comme on se détourne d'un pestiféré, de dire que le problème ce n'est pas le « détail » mais la loi Gayssot ?

Cette loi d'exception contraire à tous les principes démocratiques et républicains, de l'aveu même de tous les politiques et historiens qui comptent, de Simone veil à feu Vidal-Naquet. Une loi d'exception qui, en instituant par le délit l'Histoire officielle, interdit toute recherche historique et l'Histoire. Dubito ergo sum res cogitans. Nous savons pourtant bien, dans ce pays qui vit naître Descartes, qu'en interdisant le doute, c'est la pensée qu'on interdit. Loi inique, de surcroît fratricide, puisqu'en inaugurant la concurrence des mémoires - et par la jurisprudence dont se réclament déjà les arméniens, les africains, les maghrébins, en attendant les vendéens et les gays, elle incite au communautarisme victimaire généralisé, tuant la fraternité française et son universalisme républicain.

Trois siècles de haute philosophie, deux siècles de sécularisation du religieux et un siècle de séparation des Eglises et de l'Etat pour en arriver là ? À ce retour en douce d'une Inquisition qui ne dit pas son nom ? Qui criminalise la dissidence, l'insoumission, le relativisme, le décalage, l'ironie obligeant le rebelle à l'abjuration sous peine de ruine et de prison ?

Devant l'ignoble lynchage des bien pensants et les discrets lâchages, moi le libre penseur, pour rester du côté des opprimés et des faibles dont le sort change avec l'Histoire, j'affirme mon soutien à Le Pen le relaps ; relaps comme Jeanne d'Arc et Giordano Bruno. Par principe, au nom du droit à la liberté jusqu'à la mal-pensance, au nom du petit doigt d'honneur levé devant les puissants botteurs de dèrches et ses cohortes de lèches culs, de faux culs, j'affirme mon soutien à l'insoumis.

Car ma peur, ma vraie peur, ce ne sont pas les provocations ou les lubies d'un vieil homme, mais la peur bien plus grande de voir ce pays sombrer chaque jour plus bas dans l'obscurantisme totalitaire.

Un pays de soi-disant culture et de liberté où la horde des veules, faux courageux, vrais tartuffes et autres pétaino-gaullistes éternellement dans le sens du vent se réjouissent déjà, à l'unisson, au nom bien sur de la démocratie du bon et du bien, que le pays de Voltaire se promette de jeter demain en prison un vieux monsieur de 80 ans parce qu'il refuse de se dédire, parce que têtu jusqu'à la déraison, il refuse de baisser la tête et de faire comme un chien, à coups de pieds au cul comme eux tous, là où on lui dit de faire.

En tant qu'intellectuel français dissident, moi, Alain Soral, qui ne bénéficie même pas des soutiens d'un Soljenitsyne du temps de sa splendeur dans le Vermont (va savoir pourquoi ça s'est gâté depuis), par ce simple texte, je réclame haut et fort, face aux désapprobations tonitruantes et aux silences gênés, le droit au blasphème pour tous, pas seulement pour Houellebecq ou Philippe Val de Charlie Hebdo.

Et, au nom de ce droit sacré en terre laïque, malgré tout ce qui nous sépare : âge, parcours, origine politique, je veux rendre hommage à un grand résistant. Pas un rentier de la Résistance à francisque. Un résistant à cette démocratie totalitaire qui tue la liberté, l'esprit d'indépendance, le sens de l'honneur et de la fidélité. Un résistant à cette République qui, à coup de devoir de mémoire forcé, de repentance obligatoire et autres criminalisations des automobilistes et des fumeurs, transforme peu à peu l'esprit français en catéchisme et le peuple français en bétail.

C'est, en somme, parce que je sais que l'affaire du détail est tout sauf un détail, que je réclame, pour Jean-Marie Le Pen, le droit de se tromper et le droit au détail !

Vive la France libre !

Alain SORAL sur Égalité & Réconciliation le 29/04/2008

dimanche 20 avril 2008

Muslims

Je me suis amusée a faire ça:

In Europe and America, theres a growing feeling of hysteria
Conditioned to respond to all the threats
In the rhetorical speeches of the neo-cons
Ben Laden said we will bury you
I dont subscribe to this point of view
It would be such an ignorant thing to do
If the muslims love their children too

How can I save my little boy from Israelian deadly toy
There is no monopoly in common sense
On either side of the religious fence
We share the same biology
Regardless of ideology
Believe me when I say to you
I hope the muslims love their children too

There is no historical precedent
To put the words in the mouth of the president
Theres no such thing as a winnable war
Its a lie that we dont believe anymore
Bush Junior says we will protect you
I dont subscribe to this point of view
Believe me when I say to you
I hope the muslims love their children too

We share the same biology
Regardless of ideology
What might save us, me, and you
Is that the muslims love their children too

lundi 7 avril 2008

Fides quaerens intellectum

De ce qu'on ne peut concevoir que Dieu n'existe pas.
Il existe si véritablement qu'on ne peut même pas penser qu'il n'existe pas.

On peut en effet concevoir qu'il existe quelque chose dont on ne puisse pas penser qu'elle n'existe pas. Elle est supérieure à celle dont on peut concevoir la non-existence. C'est pourquoi, si un être tel qu'on ne puisse en concevoir de supérieur, peut être conçu comme non-existant, cet être-là, tel qu'on ne pouvait en concevoir de supérieur, n'est plus tel qu'on ne puisse en concevoir un supérieur. On ne peut donc l'admettre. Ainsi il existe véritablement quelque chose tel qu'on ne peut en concevoir de supérieur et on ne peut pas penser qu'elle n'existe pas. Cet être, c'est toi Seigneur notre Dieu. Ainsi donc, tu existes véritablement, Seigneur mon Dieu, au point qu'on ne peut penser que tu ne sois pas, et à juste titre. Si quelque esprit pouvait concevoir quelque chose de meilleur que toi, la créature s'élèverai au-dessus du Créateur et jugerait son Créateur. Ce qui est tout à fait absurde. Bien plus, tout ce qui est autre que toi peut être conçu comme non-existant. Seul, plus véritablement que tous, tu possèdes l'existence dans sa plénitude. Tout le reste n'existe pas aussi véritablement et possède moins d'existence. Pourquoi donc l'insensé a-t-il dit en son cœur: il n'y a pas de Dieu? Alors qu'il est si clair pour un esprit raisonnant que tu existes toi le meilleur des êtres? Pourquoi, si ce n'est qu'il est sot et insensé?

Saint Anselme in Fides quaerens intellectum id est Prosologio

vendredi 4 avril 2008

Ode au dalaï-lama


- Parce qu'un mec qui a du temps à perdre à discuter des heures avec Richard Gere, Isabelle Adjani ou Séverine Ferrer est forcement un con;
- parce qu'on nous a déjà fait le coup des "combattants de la liberté" avec l'Afghanistan;
- parce que pour les 1 300 000 Tibétains qui vivent au Tibet, la modernisation imposée par les Chinois contre l'obscurantisme théocratique lamaïque n'est pas forcément un mal;
- parce qu'un rationaliste laïc a le droit de ne pas voir dans le dalaï-lama la quatorzième réincarnation du "Boddhisattva de la Compassion" mais un ramolli en pataugas au bla-bla lénifiant, à côté duquel l'abbé Pierre fait figure d'intellectuel;
- parce que l'association France-Tibet et la Communauté tibétaine en France et ses amis ont un comportement de sectes;
- parce que le dalaï-lama n'est le pape que d'1% des bouddhistes du monde, et parce que le bouddhisme tibétain (véhicule de diamant) est à la fois le plus tardif et le moins spirituel (le plus empreint de magie) des trois bouddhismes historiques;
- parce que le bouddhisme est, de toute façon, une sagesse individualiste égoïste (pas d'équivalent bouddhiste de la Croix rouge ou du Croissant rouge) qui ne débouche sur aucune vision du monde, et ne permet de trouver aucune solution aux problèmes concrets actuels (les inégalités dues à l'exploitation économique);
- parce que la plus grande communauté des bouddhistes vit en Chine, nullement persécutée et que les Tibétains doivent le meilleur de leur bouddhisme lamaïque au Chinois Tsong-Kha-pa;
- parce qu'avant d'être convoité par la Chine, le Tibet était sous domination anglaise, et qu'un impérialisme n'a fait qu'en chasser un autre (le dalaï-lama ayant toujours été pro anglo-saxon tandis que son alter ego le panchen-lama était prochinois);
- parce que, compte tenu de la géographie et de l'histoire, la mainmise de la Chine sur le Tibet n'est pas plus scandaleuse que la mainmise des USA sur l'Amérique latine (dont on voit à nouveau le résultat dévastateur en Argentine);
- parce que si l'obscurantisme religieux du lamaïsme tibétain fait rêver les cons avides d'exotisme ici, ces mêmes cons ne verraient pas du tout du même œil une France soudain replongée dans le Moyen-Âge et le pouvoir des moines;
- parce que les Tibétains qu'on entend ici sont toujours les 80 000 nantis de la diaspora sponsorisée par les pires droites occidentales pour leur anticommunisme vicéral, et rarement les Tibétains qui vivent et travaillent au Tibet;
- parce qu'un prix Nobel de la paix ne prouve rien, puisqu'on a pu en décerner un à Henry Kissinger:
- parce que les nazis fantasmaient déjà beaucoup sur le Tibet traditionnel, au point de lui emprunter son symbole, la svastika;
- pour toutes ces raisons, et bien d'autres, que j'invite le lecteur à aller chercher lui-même en lisant simplement les différents articles consacrés au Tibet, au lamaïsme et au bouddhisme dans les diverses encyclopédies où la complexité du problème n'est pas occultée par sa médiatisation grossière:
j'emmerde le dalaï-lama et tous les bouddhistes de pacotille avec lui!

Alain Soral in Jusqu'où va-t-on descendre?

Minor Threat - Guilty of Being White

Considérations sur l'unité "transcendante" des religions

Je voudrais esquisser maintenant une analyse du concept d'unité transcendante des religions. Cette analyse ne peut être qu'une esquisse, étant donné l'étendue et la complexité du problème. Il faudrait, pour le traiter véritablement, savoir ce que c'est qu’une religion, ce que peut signifier l'idée d'une unité des religions, et ce en quoi cette unité doit être transcendante. Un livre serait nécessaire ; le seul concept de religion exigerait de longues discussions où, d'ailleurs, les guénoniens s'affronteraient aux schuoniens, et tous les deux aux historiens : peut-on appliquer le même concept de religion à toutes les manifestations du sacré ? Et ce concept lui-même n'est-il pas tardif dans l'histoire de l'humanité ?

De fait, le mot de religio, chez les Latins, désigne la piété, la fidélité, ou “un ensemble d'observances, de règles, d'interdictions, sans se référer ni à l'adoration de la divinité, ni aux traditions mythiques, ni aux célébrations des fêtes” (Brelich). Il en va de même pour toutes les langues humaines avant l'apparition du christianisme : aucune ne possède un terme spécifique pour désigner ce que nous appelons la religion. Telle est la situation des cultures humaines sur laquelle il serait bon de méditer avant de parler d'unité des religions.
Il résulte de cette brève remarque que le concept de religion n’apparaît qu’avec le christianisme. A priori, on aurait pu penser que l'apparition de ce concept devait nécessairement se produire partout où il serait possible de comparer une pluralité de religions, puisque l'esprit humain n'accède au concept générique qu’à travers l'expérience d'une pluralité d'éléments singuliers du même genre. Or l'antiquité païenne a fait l'expérience d'une pluralité de formes religieuses sans en dégager le concept, même lorsque, à l'époque d'Alexandre, elle a pris contact avec l'hindouisme et le bouddhisme. Dans ces conditions, comment rendre compte de l'apparition du concept de religion, à l'époque chrétienne, sans admettre qu'avec le christianisme surgit une “forme religieuse” en laquelle se révèle l'essence supra-formelle de toute religion ? L'expérience que les chrétiens font de leur propre religion, en tant que religion, les met à même de comprendre la vérité des autres formes religieuses et révèle d'abord qu’il s'agit bien de formes plus ou moins parfaites de l'unique religion qui, comme le dit saint Augustin, existe depuis le commencement du monde et qui est enfin révélée en Jésus-christ. De ce point de vue, la doctrine de l'unité des religions est proprement chrétienne, et n'a été formulée expressément que par le christianisme. Sans doute estimera-t-on qu'on la trouve aussi en Orient. Je crois pourtant que ce qu'on qualifie ainsi relève, à bien des égards (pas à tous), d'une interprétation “chrétienne” de phénomènes ou d'attitudes assez différentes.

Ainsi la lumière du soleil chrétien révèle la nature religieuse des autres formes du sacré. Par là même, les constituant en religions, il était inévitable qu'elle en vînt à les considérer comme de possibles rivales. La lumière que le christianisme projette sur toutes les formes révélatrices du divin est en effet renvoyée sur lui et le constitue à son tour en “religion parmi les autres” . D'où la nécessité, pour la religion chrétienne, de se situer par rapport aux religions non chrétiennes et de les situer par rapport à elle.
Il me semble qu'on peut distinguer trois façons de caractériser cette situation, lesquelles d'ailleurs peuvent se combiner. Ou bien on considère que les religions existantes sont des restes de la révélation primitive diversifiée sous l'effet des réinterprétations humaines que lui ont imposées les diverses cultures ou le génie de quelques individualités puissantes. Ou bien on estime que les religions sont des œuvres purement humaines, produit de la religiosité naturelle ou résultant d'autres facteurs. Ou bien on y voit l'œuvre du diable.
Ces trois hypothèses me paraissent vraies à quelques égards. Toutes les religions sont porteuses d'éléments primordiaux, comme le prouve l'universalité de certaines vérités et de certains symboles. Toutes les religions sont riches de créations humaines et sont affectés par les conditions culturelles, sociales, économiques et autres, de leur développement. Enfin, aucune religion n'échappe aux atteintes du démon, et même pas la chrétienne, comme l'enseigne la parabole du bon grain et de l'ivraie.

Cependant chacune de ces thèses se heurtent à une difficulté. La troisième suppose que Dieu peut se laisser adorer et prier à l'aide de formes enseignées par le diable, trompeur si puissant qu'il peut satisfaire, par une illusion invincible et indécelable, le besoin religieux le plus profond de toute l'humanité depuis les origines (à l'exception du peuple hébreu et des chrétiens). La deuxième hypothèse confère à la nature humaine une capacité créatrice hors de proportion avec l'ampleur des phénomènes religieux et l'originalité spécifique de chaque religion. La première solution est évidemment la plus cohérente avec l'ensemble des données du problème ; toutefois, elle ne rend pas compte du fait que certaines grandes religions, outre les éléments primordiaux qu’elles comportent, apparaissent aussi comme fondées par un révélateur, dont l'existence et le rôle historiques sont hors de contestation, je pense au Bouddha et au prophète Muhammad.

On peut ignorer ce que signifie la mise en branle, par la prédication du Bouddha, de la roue du Dhama (la loi religieuse) ; quand on a compris ce qu'elle veut dire pour des centaines de millions d'êtres humains qui ont pris refuge près du Compatissant, il devient extrêmement difficile de n'y voir que l'effet d'une imposture. J'en dirai autant de la prédication du Prophète Muhammad, et bien que je n’ignore pas les travaux du Père “Hanna Zacharias” (en réalité : G. Théry).
Il faut donc, me semble-t-il, compléter cette thèse de la révélation primitive par celle d'une intervention divine, directe ou indirecte (c'est-à-dire angélique), à l'origine et au cœur de chaque religion, œuvre de la miséricorde infinie de Dieu, même si cette miséricorde peut revêtir des formes pour nous bien déroutantes. L'acceptation, ou la reconnaissance de l'origine divine des religions (authentiques) n'entraîne de soi aucun relativisme ni aucun syncrétisme ; car ici vaut le principe : chaque religion est unique et, d'une certaine manière, incomparable. Mieux est, mille fois, de considérer les religions non chrétiennes comme l'œuvre du diable, que de tomber dans un indifférentisme du genre : toutes les religions se valent.

On m'objectera, sans doute, qu'il est des cas où les religions, loin d'être incomparables, se comparent elles-mêmes les unes aux autres, et généralement pour se contredire. Ainsi le Bouddha enseigne l'impermanence de l'atman (terme qui désigne en sanscrit la personne immortelle et que l'on peut rendre par “le soi”), s'opposant ainsi à l'hindouisme qui affirme la permanence et la réalité transcendante de l'atman. De même le Coran rejette la Trinité chrétienne au nom de l'Unité divine (IV, 171 ; V, 73), ainsi que la divinité du Christ (IV, 172 ; V, 17, 72-78 ; IX, 31-32) qui en est inséparable. Puisque Dieu ne saurait se contredire, il faut donc récuser la nature révélée de l'une ou de l'autre doctrine. A moins de supposer, ou que le Coran ne rejette pas vraiment ces vérités chrétiennes, ou que la révélation chrétienne ne les enseigne pas réellement. Or, s'il est possible d'admettre que la Trinité chrétienne n'est pas expressément et adéquatement visée par l'interdiction coranique (“ne dites point : “ Trois ! Cessez !”), on ne saurait supposer, ni que l'islam ne nie la divinité de Jésus-Christ (Dieu n'a pas de fils), ni que l'Evangile ne l'enseigne expressément (le Verbe fait chair est Dieu).
La contradiction, sur ce point et telle qu’elle est posée, me paraît insoluble. Reste à en chercher la signification.
Il me semble que celle-ci n'a de chance d'apparaître que si l'on accepte l'idée d'une hiérarchie des révélations, et donc que si l'on cesse de les juxtaposer sur un même plan. De même qu'il peut y avoir différents degrés d'intensité dans la lumière, de même la Parole révélatrice peut exprimer plus ou moins explicitement le Mystère divin en fonction des différents besoins humains. A prendre les choses le plus objectivement possible, force est de constater que ce n'est pas le christianisme qui rejette le dogme fondamental de l'islam (pas de Dieu hormis Dieu) ; au contraire, il l'affirme clairement (credo in unum Deum). C'est donc l'islam qui ne “comprend” pas la révélation du Christ, ou qui n'en comprend que ce qui s'accorde avec sa propre perspective : Jésus, fils de la Vierge Marie, messager de Dieu. De ce point de vue, on pourrait dire que l'islam représente ce que l'abrahamisme pur peut accepter du mystère christique, et que le judaïsme avait rejeté ; comme si Dieu ne pouvait pas permettre que le monothéisme abrahamique demeurât entièrement aveugle au Soleil christique. A sa manière incomplète, il lui rend hommage, et donc indirectement, le confirme puisqu'il en parle expressément.

Un chrétien peut ainsi comprendre la semi-négation – qui est aussi une semi-affirmation – du Christ par l'islam. Cette épreuve terrible qu'est pour lui l'apparition d'une religion explicitement post-christique revêt alors une double signification : elle lui rappelle d'abord la force irrécusable de l'exigence monothéiste dont l'islam est le témoin et que rien ne saurait atténuer ; mais lui enseigne aussi l'insondable profondeur du mystère christique, insondable puisque tout se passe comme si Dieu avait dû tolérer son voilement miséricordieux – et momentané – aux yeux d'une partie des “croyants”. C'est qu'aussi ce mystère est “parousiaque”, puisqu'en lui se réalise la parfaite immanence du divin à l'humain, réalisation anticipée et salvatrice du moment final où “Dieu sera tout en tous”. En vérité les chrétiens, du moins ceux qui ont revêtu le Christ, n'appartiennent pas au “siècle présent” ; ils appartiennent déjà à l'éon futur, au “huitième jour” du monde. Mais, trop souvent, pour nous aussi, chrétiens, cette vérité est voilée, en sorte que l'islam réalise une certaine “vérité de fait” de l'attitude de certains chrétiens à l'égard du Christ, celle-là même que l'hérésie arienne a failli imposer à toute la chrétienté.

Si j’osais pénétrer le mystère des voies seigneuriales, je dirais qu'il était en quelque sorte impossible que le christianisme fût l'ultime religion, celle de la fin des temps, parce qu'une telle révélation signifie nécessairement la restauration intégrale de la création dans la gloire : ce que saint Paul appelle la parousie, la par-ousia, la “présence totale”. C'est le sens le plus profond de la manifestation christique, et c'est ainsi que le comprenaient les premiers chrétiens pour qui la fin du monde était imminente. Or, cette restauration ne s'est pas encore produite, au moins selon le temps : nous attendons la seconde venue du Messie. Et cependant elle est aussi accomplie dans la personne du Christ : “Avant qu'advienne Abraham, Je suis.” L'avènement du christ est donc la révélation suprême et définitive du mystère de Dieu : tout ce qui, de Dieu, est révélable, est accompli dans le Christ, c'est-à-dire récapitulé (non pas aboli) et porté à sa plus haute perfection. Ainsi, les autres révélations ne sont pas niées, mais elles sont assumées et définitivement transcendées dans la Personne du Verbe fait chair. Toutefois, ce qui est vrai du Christ ne saurait l'être, au même titre, de la religion chrétienne. La religion chrétienne est “en voie de réalisation”, sa tâche est de christifier le monde ; si cette tâche était accomplie, la religion chrétienne aurait cessé d'exister.

Ainsi, la religion chrétienne est à la fois plus et moins qu'une religion. Plus qu'une religion parce que centrée sur le mystère du Christ, unité transcendante de toutes les révélations, et donc parce que, en ce sens, la “forme” chrétienne dépasse toutes les formes et, par là même, est révélatrice de la “forme religieuse” en tant que telle. Mais aussi moins qu'une religion, parce que ce dépassement entraîne une sorte d'incapacité relative à se constituer véritablement en forme historiquement existante : le christianisme est toujours plus ou moins “mal à l'aise” ici-bas ; fût-ce dans ses réussites les plus triomphantes. La nature prophétique du christianisme, qui résulte de la nature parousiaque de la manifestation du Christ, et qu'on retrouve dans tous les éléments de cette religion, même les plus centraux (ainsi de l'eucharistie qui “annonce la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’Il revienne”, A Co., XI, 26), cette nature prophétique “autorise” l'existence terminale d'une autre forme religieuse qui, en tant même que forme, réalise une sorte de synthèse minimale et stable de la forme religieuse comme telle : la religion réduit à l'essentiel. Le christianisme est terminal et indépassable parce qu'il représente la réverbération, dans l'âge présent, de la lumière parousiaque, quand surgira dans sa gloire la nouvelle Jérusalem ; il en est ainsi, de l'éternité, au rebours de ce qu'il en est de l’espace-temps : alors que nous parvient, encore aujourd'hui, la lumière naturelle d'étoiles disparues, nous recevons, dès à présent, la lumière surnaturelle de la future Apocalypse. Et l'islam est terminal parce qu'il représente la forme la plus simple du théisme sacré originel. Et sans doute à sa manière prépare-t-il l'humanité pour la seconde venue du Messie, puisque l'islam aussi annonce cet événement, la “descente de Jésus” à la fin des temps (Nuzûl’Isâ).

J'ai dit : “si j'osais”. Je n'ignore pas en effet le caractère conjectural, et donc éminemment fragile, de ces sortes de considérations. Scruter les intentions divines à l'aide d'une logique humaine, n'est-ce pas vouloir se mettre à la place de Dieu, et plus précisément encore de la Sagesse divine ? J'en suis conscient et je demeure convaincu qu'il y a, dans la pluralité des religions un mystère impénétrable, le secret de Dieu, ce que l'Ecriture appelle “le secret du Roi”. Mais je vais dire une chose qui paraîtra surprenante : nous ne pouvons pas faire autrement. Penser, c'est toujours se mettre à la place de Dieu, c'est toujours essayer de voir les choses comme Dieu les verrait, au moins sous le rapport de leur nécessité intelligible. C'est donc aussi courir le risque de se tromper, et ce risque est inéliminable. Dans la mesure où la pensée pense vraiment, c'est-à-dire où elle est autre chose qu'un fonctionnement (éventuellement mécanique) selon des catégories préétablies, dans cette mesure, elle “travaille sans filet”, “à ses risques et périls”, puisqu’elle n'est garantie que par sa propre loi.

Ainsi, penser la pluralité des religions, c'est toujours spéculer sur les intentions divines, qu'on nie ou qu'on affirme leur origine révélée. Toutefois, si la pensée est seule et originelle dans son acte (nul ne peut penser à ma place), elle est aussi toujours seconde dans son actuation : penser, c'est réagir spéculativement à un donné, et nous pensons toujours à partir de quelque chose. Autrement dit, notre pensée n'est pas créatrice de son objet. Cette situation de la pensée nous ne devons pas l'oublier, sinon nous tombons dans la démesure. Ainsi dois-je me souvenir que lorsque je pense la pluralité des religions, c'est à partir de l'expérience des religions existantes, et en particulier, de la religion qui est la mienne et à partir de laquelle s'est formée en moi l'idée de ce qu'est la religion. C'est pourquoi je dois, sous peine d'hybris, m'efforcer de penser l'origine divine des révélations à partir de l'indépassable condition que constitue pour moi la révélation du Christ. Et j'ai tenté de montrer que ce n’était pas impossible.

Sinon, et nécessairement, je me mets au-dessus de la religion existante, la seule que je connaisse et qui me soit donnée et, je m'arroge ainsi la place de Dieu : non pas peut-être la place de Dieu créateur, mais assurément la place de Dieu salvateur : au dessus des religions, il n’y a que Dieu, ou les Anges, ses serviteurs, obéissants ou rebelles.

C'est pourquoi je suis très réservé quant à l’expression “unité transcendante des religions”. Car, ou bien cette unité n'est qu'une autre manière de désigner Dieu comme auteur des grandes religions, ou bien cette unité, transcendante aux religions mais distincte de Dieu, est posée en elle-même, comme une super-religion dans laquelle toutes les religions historiques trouvent leur unité. Dans le premier cas, que j'appellerai “unité apophatique des révélations” (apophatique signifiant ici : ineffable et surintelligible), on énonce simplement le fait que l'on croit à une source divine des manifestations du sacré, sans qu'il soit humainement possible d'en réduire la multiplicité à l'unité d'une même doctrine. Dans le second cas, qu'on pourrait appeler “unité cataphatique” (cataphatique signifiant ici : qui possède la nature d'une affirmation, c'est-à-dire d'un énoncé positivement formulable), on s'engage à définir le contenu intelligible de cette religion transcendante. Et de cela découlent quelques conséquences qu'il importe de souligner.

Tout d'abord, puisque par définition, une vraie religion est une révélation divine, en formulant la religio universalis, on s'arroge la fonction de Dieu révélateur, qu'on en ait conscience ou non. A moins, bien sûr, que cette religio universalis ait été elle-même révélée par Dieu et que nous ayons seulement à prendre connaissance. Mais, s'il en est ainsi, nous n'en savons rien (cette hypothèse correspond au fond à la “mythologie” guénonienne d'un dépôt de la Tradition primordiale dans l'Agartha). Nous sommes donc condamnés à élaborer nous-mêmes le contenu doctrinal de cette religio. Cette élaboration ne peut être l'œuvre que de l'intelligence humaine. On peut assurément qualifier l'intellection de “révélation subjective”, il y a là cependant un glissement de sens, sinon un abus de terme : l'intuition intellectuelle n'est une révélation que selon une certaine analogie et ne possède pas l'efficacité salvatrice d'une religion révélée. Quoi qu'il en soit, quand on prend connaissance des formulations de cette doctrine religieuse universelle, on constate qu'elle ne dépasse pas les capacités de la simple raison s'efforçant de dégager le concept général de religion, comme le font d'ailleurs des sociologues ou des philosophes. Hegel, à cet égard, offre bien des ressemblances. C'est la deuxième conséquence : l'intelligence humaine substituée à la Sagesse divine et constituant une sophia perennis.
Une troisième conséquence est que, l'unité une fois posée et doctrinalement formulée, on est contraint de montrer, par une étude comparative, comment les diverses doctrines religieuses peuvent effectivement se réduire à cette unité, c'est-à-dire comment peuvent être surmontées les contradictions et les discordances inhérentes à leur diversité.
C'est ici qu'apparaissent, concernant le christianisme, des difficultés que, pour ma part, je crois insurmontables. Je voudrais en dire un mot pour terminer.
Dans la comparaison des religions entre elles, et le dégagement de leur fonds commun et transcendant, il est requis de faire abstraction de la contingence particularisante de chacune d'entre elles, par quoi elles sont proprement irréductibles les unes aux autres, ainsi que de leurs “âmes”, ou ambiances animiques respectives, par quoi elles se distinguent phénoménologiquement les unes des autres, pour ne considérer que ce que chacune d'elles dit d'essentiel. Si, en effet, on devait aussi faire abstraction de ce qu'une religion dit d'essentiel, de son message le plus fondamental, alors cette unité des religions équivaudrait à leur destruction. Ainsi, par exemple, on fera abstraction de la contingence particularisante que constitue pour le bouddhisme le fait historique de la personne de Shâkyamuni ou, pour l'islam, de Muhammad, ainsi que de leurs “climats spirituels” respectifs. Restera leur contenu profond, en lequel, en effet, on peut admettre qu'ils se rejoignent, le nirvâna n'étant au fond rien d'autre que l'extinction de tout ce qui s'affirme illusoirement comme réel en dehors du seul Réel : il n'y a de Dieu que Dieu.

Or, le christianisme ne me paraît pas pouvoir être soumis au même traitement sans être instantanément détruit comme tel dans ce qu'il a de plus essentiel. Le Buddha, Lao-Tseu, Muhammad peuvent être distingués, et sont distingués, du message dont ils sont porteurs sans que le message soit altéré : autre le message, autre le messager ; bien qu'il y ait évidemment un rapport étroit entre l'un et l'autre : à certains égards l'islam s'identifie au Prophète. Mais, dans le cas du Christ, le message, c'est le messager lui-même. Ici la contingence historique particularisante en tant que telle est donnée comme l'absolu de la révélation. Tout le christianisme consiste à croire que Jésus-Christ est l'incarnation unique du Fils unique de Dieu. Sans doute, la plupart des religions s'affirment-elles comme la révélation unique (ou définitive) de la vérité. Mais, une fois cette affirmation mise de côté, reste tout l'essentiel. Une fois ôtée l'affirmation de Jésus-Christ Fils unique, il ne reste du christianisme qu'une morale spiritualiste, un “évangélisme”. Toutes les religions ont dit, sous une forme ou une autre, que Dieu était Père ; toutes ont dit : Dieu est Esprit. Aucune n'a jamais dit : Dieu est Fils. Et cette affirmation est constitutive du message essentiel et central du christianisme, puisque le Fils est, par lui-même, la révélation du Dieu Trinitaire : si Dieu est Fils, alors Dieu est aussi Père, non seulement au sens analogique des autres religions, en tant que “Père” des hommes et de toute créature, mais aussi en un sens propre et tout à fait précis, en tant que Dieu engendre éternellement Dieu.

Je ne dis pas cela, du moins il me semble, par “nationalisme religieux”, et par refus sentimental de “relativiser” l'incarnation du Verbe en Jésus-Christ. Je le dis parce que je crois qu'il y a là, objectivement, une difficulté. Relativiser les fondateurs de religion, les avatâra de l'Inde, les prophètes abrahamiques, ce n'est pas les nier. Eux-mêmes autorisent ou impliquent une pluralité d'envoyés. Chacun d'eux est un porte-parole d'un unique message. Mais, dans le Christ, la Parole elle-même se fait homme et s'identifie à celui qui le porte. Jésus se donne lui-même pour la manifestation comme telle de Dieu-Fils comme tel. Sans doute est-il porteur d'un message qu'à cet égard on peut distinguer du messager et garde son sens et sa valeur intrinsèques. Mais ce message est second relativement à la personne du Christ. C'est par son incarnation même, non par ses discours, que le Christ est l'exégèse du Père (Joa., I, 18).
Il en résulte une sorte de “christianisation” de l'absolu sous la forme du mystère trinitaire. A ma connaissance, les autres religions ne “déterminent” pas l'Essence divine dans son aséité. Elles déterminent la forme de notre relation à Dieu, au Principe suprême – ce qui implique une certaine “présentation” de Dieu et détermine un “Visage” divin – mais, du Principe en soi, elles ne disent rien, ou presque rien : Il est l'Un, ou l'Un, l'etre, la Réalité pure, le Créateur et le Rémunérateur, en sorte que ce Dieu-Principe est aussi peu hindouisé ou islamisé que possible.

Aussi arrive-t-il que l'âme, dans son ascension spirituelle, soit amenée à dépasser la forme religieuse, comme telle, pour entrer nue dans la connaissance informelle de l'Un. Au contraire la détermination trinitaire de l'Essence divine prolonge la “forme” chrétienne au-delà du domaine de la relation homme-Dieu : “dogmatise” chrétiennement au niveau de l'Absolu lui-même. Et cela n'est pas intégrable dans le concept positif de l'unité des religions. On peut évidemment estimer, du point de vue de cette unité positive, que le “trinitarisme” chrétien est une “erreur” métaphysique, la traduction exotérique d'une vérité transcendante mal comprise, ou comprise en fonction des limitations d'une certaine mentalité et, qu'en réalité, la révélation scripturaire (le Nouveau Testament) n'imposerait nullement ce dogme. C'est en effet la seule solution possible pour intégrer le christianisme dans l'unité transcendante des religions. Mais il est clair, que ce n'est pas le christianisme qui est intégré, c'est l'arianisme. J'observe que le christianisme est effectivement la seule religion qui, pour être intégrée, ait été l'objet d'un rejet de ses deux dogmes fondamentaux (le dogme de l'union de la nature divine et de la nature humaine dans l'unique hypostase ou personne du Fils d'une part, et le dogme du Dieu unique en trois Personnes distinctes, d'autre part), et de leur réinterprétation radicale.

Estimant cette réinterprétation incomptatible avec les données de la Tradition et de l'Ecriture, je ne peux que rejeter la conception positive et cataphatique de l'unité des religions, pour m'en tenir à une conception apophatique. La qualification de “transcendantale” lui conviendrait sans doute mieux, d'ailleurs que celle de “transcendante”, dans la mesure où le terme de transcendantal désigne, en philosophie, ce qui dépasse toutes les catégories sans constituer soi-même un genre. Sans doute les considérations ici exposées entraînent-elles certaines conséquences concernant le christianisme lui-même (et pas seulement l'unité transcendantale et que, par exemple, il n’est pas essentiellement une “forme” religieuse au sens propre du terme : d'où l'importance de l'Eglise – phénomène unique en histoire des religions – comme substitut de cette forme qui, à certains égards, lui fait défaut ; d'où aussi un certain manque du sens des formes sacrées, qui semble congénital au christianisme.

La suite (et oui!) et d'autres textes de Jean Borella ici.